Marie-Ann Wachtmeister de Courbet: « L’écologie doit s’incarner autant dans le choix des matériaux que dans l’intemporalité du design »

Depuis son lancement en 2018, Courbet se positionne comme la première maison de joaillerie éthique et écologique de la Place Vendôme. Une proposition qui trouve un écho de plus en plus important auprès d’une clientèle en quête de pièces engagées qui n’en oublient pas d’être désirables.

Auteur Par Marie-Caroline Selmer

Designer joaillier et directrice artistique de sa propre marque, Marie-Ann Wachtmeister a pensé pendant plusieurs années les collections de grandes maisons, dont Poiray, avant d’opérer un virage à la fois professionnel et créatif. Profondément marquée par le film Blood Diamonds qui dénonçait la face cachée du marché des diamants de mine, Marie-Anne a eu à cœur de placer la création au service de ses convictions.

En 2018, elle s’associe à Manuel Mallen et fonde Courbet, la première maison de joaillerie écologique et éthique de la Place Vendôme.

Plus de deux ans après son lancement, je me suis entretenue avec Marie-Ann Wachtmeister pour évoquer les engagements de la Maison, les attentes d’une clientèle grandissante, mais aussi la vision créative qu’elle impulse à la marque. Rencontre.

The Eye of Jewelry : Comment passe-t-on du design de collections de joaillerie avec des diamants de mine à celui des diamants de laboratoire ?

Marie-Ann Wachtmeister : Plus facilement que si j’avais été dans l’univers de la mode à dessiner des vêtements. En joaillerie, les matériaux sont identiques : l’or recyclé a les mêmes caractéristiques que l’or de première extraction, et les diamants de laboratoire que nous utilisons ont les mêmes propriétés que les diamants de mine. En revanche, je n’aurais pas pu faire le switch inverse, passer du diamant de laboratoire au travail du diamant de mine. La véritable contrainte réside dans le fait que pour l’instant, nous avons fait le choix chez Courbet de ne travailler que l’or recyclé et les diamants de culture.

Marie-Ann Wachtmeister Creative Director Courbet © Dmitry_Kostyukov
Marie-Ann Wachtmeister © Dmitry_Kostyukov
Theiofj : En quoi les valeurs écologiques de Courbet impactent-elles vos choix artistiques ?

Marie-Ann Wachtmeister : Elles me rendent encore plus exigeante et attentive au design que je propose. Faire le choix de matériaux écologiques induit forcément la question de l’intemporalité du design, de la capacité de nos pièces à perdurer dans le temps, au-delà des modes. Il y a un véritable challenge à trouver le bon équilibre entre lignes classiques et propositions innovantes. Chaque bijou doit être totalement pertinent pour la marque, par rapport au message que nous véhiculons.

Theiofj : En parallèle de vos collections, votre ligne Bridal s’est fortement développée. Est-ce une attente de votre clientèle ? 

Marie-Ann Wachtmeister : Il y a un désir croissant chez notre clientèle d’inscrire les moments forts de leurs vies dans la lignée de leurs convictions. Qu’ils soient férus d’innovation ou fervents écologistes, notre clientèle se reconnaît dans le style Courbet, dans notre capacité à allier écologie avec désirabilité du design.

Courbet - Solitaire 4 griffes "C" de Courbet en or jaune
Courbet – Solitaire 4 griffes « C » en or jaune
Theiofj : Comment définiriez-vous le style de votre ligne Bridal ?

Marie-Ann Wachtmeister : Simplicité et sensualité. La ligne Bridal est née d’une véritable réflexion sur ce que je voulais proposer car je ne me retrouvais pas dans l’offre actuelle, dominée par les solitaires 4 ou 6 griffes.  J’ai eu envie de mettre davantage la pierre en valeur, de lui apporter de la rondeur, tout en conservant une ligne intemporelle. C’est ainsi que j’ai eu l’idée de mettre au point un serti propre à la marque. Le serti Courbet en forme de C libère le diamant. Avec ses deux griffes incurvées, la culasse du diamant est exposée dans son intégralité à la lumière, ce qui accentue l’éclat de la pierre.

Theiofj : Bien qu’avertie, votre clientèle vous questionne-t-elle sur la provenance de vos diamants ?

Marie-Ann Wachtmeister : Oui et c’est tout à fait normal. Nous avons investi dans les diamants français, notamment ceux de la société Diam Concept fondée par Alix Gicquel, que nous avons utilisés pour sertir les pièces de la collection Pont des Arts. Nous nous fournissons également auprès de laboratoires aux États-Unis et en Russie, surtout pour les grosses pierres. Contrairement à ce que certains peuvent croire, ce n’est pas parce que le diamant est produit en laboratoire qu’il peut être fabriqué en quantité illimité. L’investissement de départ est colossal, les machines nécessitent un ajustement constant, et les mises en production n’aboutissent pas toujours. Obtenir un diamant de laboratoire de qualité demande du temps.

« L’innovation est la clé de voûte, elle permet d’avancer dans l’écologie sans céder sur le luxe »

Theiofj : A ce sujet, que répondez-vous aux détracteurs du diamant de laboratoire qui arguent que ces pierres sont synthétiques et qu’elles n’ont pas « d’âme » ?

Marie-Ann Wachtmeister : Dire que les diamants de laboratoire sont synthétiques n’est pas exact – même s’il s’agit de leur appellation officielle – car il n’y a pas de fusion de nouvelles matières dans le processus de fabrication. D’un côté comme de l’autre, il n’y a que des atomes de carbone qui se transforment pour former un diamant.

Quant à l’histoire de la pierre, si son processus de création sous terre est passionnant et recèle une part de magie, celle-ci doit être complétée par tout ce qui s’en suit, post-extraction. Difficile de faire perdurer la magie quand on connaît la pollution induite par l’activité d’une mine et son impact sociétal, notamment sur la santé des mineurs ou encore le travail des enfants. Si on veut être honnête, il faut raconter toute l’histoire du diamant de mine.

Theiofj : Eu égard aux investissements financiers que nécessite la R&D d’un laboratoire, comment expliquer que la différence de coût entre un diamant de mine et un diamant de laboratoire soit en votre faveur ?

Marie-Ann Wachtmeister : Chez Courbet, nous avons fait le choix de proposer à nos clients uniquement des diamants notés D, E et F, lorsque la majorité des joailliers descendent jusqu’à G, ce qui est un engament fort en matière de qualité. La production de diamants de laboratoire est onéreuse, mais contrairement au marché des diamants de mine, les intermédiaires sont très limités. Je prends l’exemple de notre fournisseur russe qui produit et taille lui-même les pierres. Dans ce cas de figure, l’achat se fait en direct auprès producteur. La valeur du diamant est ainsi transférée au client sans qu’il y ait besoin de fractionner la marge à différents intermédiaires et donc d’augmenter son coût final. Voilà pourquoi notre ligne Bridal permet à nos clients de s’offrir des pièces plus imposantes et d’une qualité supérieure à ce qu’ils pourraient trouver ailleurs.

Courbet - Collier CELESTE pavé en or blanc
Collier CELESTE pavé en or blanc
heiofj : Quand on est une marque engagée sur les sujets d’écologie comme Courbet, quel est son rapport à l’innovation ?

Marie-Ann Wachtmeister : C’est la clé de voûte. L’innovation permet d’avancer dans l’écologie sans céder sur le luxe. Je pense notamment au travail de recherche que nous menons sur les écrins. Comment Courbet peut s’emparer du sujet pour proposer à la fois un écrin qui répond aux codes du luxe sans en faire un contenant dénué de tout fonctionnalité une fois le bijou offert ? C’est un engagement très fort que d’être écologique car cela impacte toute la chaîne de création de valeur. Tout doit faire sens.

 

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