Une expérience client entièrement personnalisée serait-elle l’outil ultime pour se démarquer de la concurrence? En construisant un parcours sur mesure, la marque facilite la découverte de ses produits et favorise les achats d’impulsion. Encore faut-il que ces technologies soient utilisées à bon escient. On fait le point avec Gachoucha Kretz, docteur en science de gestion et professeur à HEC Paris.
THEIOFJ : De quelle façon une marque peut-elle personnaliser l’ensemble de son parcours client?
GK : Le phénomène du big data, que l’on pourrait traduire par le volume massif de données numériques produites, stockées et ensuite analysées grâce à des outils d’analyse en temps réel, permet aux marques de personnaliser l’ensemble du parcours client. Dès la première visite sur une application mobile ou sur un site, il est possible de taguer un consommateur pour lui offrir un contenu adapté. Cela peut concerner le contenu du site, le type de produit qui va être mis en avant en fonction de son segment, ou tout simplement de l’affichage d’une publicité personnalisée.
THEIOFJ : Vous expliquez que le post-achat est une phase qui pourrait être davantage investie par les marques, de quelle manière ?
GK : En phase de post-achat, le profil est qualifié, ce qui permet à la marque d’aller beaucoup plus loin dans la personnalisation de la relation. On peut développer un CRM spécifique avec des évènements dédiés, mettre en place un système de VIP treatment, voir même créer une catégorie de produits dédiés…Autant de services qui vont agir comme des leviers de fidélisation, le but ultime des e-commerçants.
THEIOFJ : Que peuvent apporter des technologies comme la réalité augmentée et l’intelligence artificielle aux maisons de luxe ?
GK : La réalité augmentée comme l’intelligence artificielle sont des outils au service d’un objectif et d’une stratégie marketing globale. Utilisés seuls, dans le simple but de coller à la tendance, ils perdent de leur efficacité. Quel est l’intérêt d’équiper un magasin en tablettes tactiles si le contenu n’est pas différent de celui du site ? Même chose pour l’installation d’un corner de réalité augmentée au sein d’un espace de vente, la question qu’on doit se poser en amont est de savoir si cette offre est adaptée au profil du client. Dans le cas contraire, on se contente de créer du buzz.
THEIOFJ : L’utilisation de la data permet de mieux connaître le client ainsi que ses attentes. Comment les marques peuvent-elles s’en servir pour l’impliquer davantage dans la démarche créative?
GK : Il faut toujours veiller à conserver la puissance créative de sa marque, c’est pour cela que je fais la distinction entre les maisons de luxe et les « instabrand ». Par essence, le secteur du luxe est assez contre la co-création car il se doit d’être prescripteur de tendance. Pour les « instabrand », c’est autre chose car leur business model fonctionne parfaitement avec la co-création. C’est un outil qui permet à la fois d’impliquer sa communauté et de limiter les risques liés à la sortie d’un nouveau produit. Pour autant, la co-création tend à rendre la créativité très plate, la communauté ayant souvent le choix entre deux options, guère plus.
THEIOFJ : Que pensez-vous des nouvelles marques de joaillerie online qui entendent réinventer le sur-mesure avec des créations entièrement personnalisables ?
GK : Tout dépend de leur positionnement prix. En-dessous de 1000€, ce ne sont instinctivement pas des achats impliquants, le client n’est pas véritablement en recherche d’une expérience. En revanche, entre 1000€ et 1500€, il peut y avoir un marché des bijoux à personnaliser, à condition que l’expérience soit fluide, ludique et que les prix soient compétitifs. Au-delà de cette fourchette, le client commence à regarder la concurrence et les gammes access des maisons de luxe dont on sait qu’elles offrent une expérience client haut de gamme en boutique, comme en ligne.